Allez Brest ?

Dimanche prochain a lieu un match particulier : les Rouge et Blanc monégasques affrontent les Rouge brestois. Un duel entre notre équipe et l’équipe surprise de ce championnat. Durant ce match devrons-nous vraiment supporter l’AS Monaco ?

Pour nous, si l’ASM parvient à conserver sa place sur le podium, la saison 2023/24 sera satisfaisante, ni plus ni moins. L’humiliation en Coupe de France contre Rouen et les matchs insipides seront (presque) pardonnés, l’essentiel sera sauvé. Pour le Stade Brestois 29, cette saison est déjà inoubliable. En cas de qualification européenne, elle serait historique. Une qualification pour la Ligue des Champions la rendrait légendaire. Le titre, encore mathématiquement possible ? Les adjectifs me manquent.

Fiers du chemin parcouru, les supporters brestois sont tendus vers les cinq derniers matchs et sentent confusément que c’est l’année ou jamais. Plus jamais l’équipe locale n’aura un Pierre Lees-Melou au sommet de son art, plus jamais elle n’aura un gardien néerlandais de ce niveau, plus jamais elle n’aura à sa tête un entraineur qui aura su trouver la mystérieuse alchimie pour transformer un groupe de joueurs anonymes en une équipe redoutée.

J’imagine la ville de Brest en ébullition devant ce possible exploit, les Ti-Zefs se pincer pour y croire. Les bars de la Place de la Liberté bondés de supporters survoltés devant les écrans ; le bar-tabac « Le Pénalty », en face du stade, toujours plein de fans refaisant les matchs à l’infini autour de verres de bière ; les anciens se remémorer l’équipe pleine de promesses du FC Brest Armorique rétrogradée en 1991 et retrouver un enthousiasme depuis lors oublié ; les grands-parents accompagner leurs petits-enfants au stade en leur disant : « Profites-en. Tu pourras dire que tu y étais ».

N’avons-nous pas tous au fond de nous la nostalgie de ces clubs familiaux financés par le tissu industriel local ? En Coupe de France, ne prenons-nous pas parti pour le Petit Poucet ?  N’avons-nous pas applaudi lorsque Leicester a fait la nique à ses puissants rivaux anglais il y a quelques années ?

Même le nom du stade, Francis le Blé, fait appel à nos souvenirs d’enfance. Au même titre que les stades Marcel Saupin et Grimonpres-Jooris, plus utilisés aujourd’hui, il exhale un parfum de ferveur populaire et d’ambiance à la bonne franquette contrairement aux stades modernes, sans âme, affublés de noms commerciaux.

Supporters monégasques ! Depuis la défaite du 26 mai 2004 à la Veltins-Arena de Gelsenkirchen, nous sentons toujours ce goût âcre dans la bouche. La plaie ne s’est pas cicatrisée. Pour beaucoup d’entre nous, ce rêve d’une vie ne se reproduira sans doute jamais. Devons-nous souhaiter la même déception aux supporters brestois ?

Bien sûr, je souhaite que notre équipe respecte le jeu et se donne à fond pour l’emporter. Pas de cadeaux, pas de quartiers ! Que le match soit âpre et disputé, que les occasions de but soient nombreuses et que le meilleur gagne.

Mais, dimanche prochain, lorsque je m’installerai devant mon téléviseur, je ne ressentirai pas le stress habituel, mais simplement le plaisir d’assister à un match entre deux belles équipes. J’invoquerai les dieux du football pour qu’ils nous réservent plus qu’un match, un match de légende. Heureuse ou cruelle, les supporters brestois méritent eux aussi d’écrire leur Histoire.

Photo : Philippe Lecoeur – FEP – Icon Sport