Interview : Laurent Banide, une histoire de famille

Interview : Laurent Banide, une histoire de famille

15 septembre 2023 7 Par Christopher T

Avec ce nom bien connu du côté de la Principauté de part son père à l’origine, Laurent Banide a lui aussi laissé son empreinte à Monaco en franchissant les échelons après avoir évolué en équipe jeune puis en tant qu’adjoint, entraîneur des jeunes et terminé par l’équipe première en tant que coach principal. L. Banide a très gentiment accepté de répondre à nos questions.

Comment allez-vous ? Que devenez-vous?

“Je vais bien merci. Je suis toujours à Monaco et j’en profite pour m’occuper de mes enfants et de passer du temps avec ma famille. J’attends de recevoir des offres et pendant ce temps je me maintiens en forme.”

Avec un nom comme le vôtre, l’AS Monaco, et plus globalement le football, coule forcément dans les veines ?

“Évidemment j’aime le football et bien sûr que l’AS Monaco y tient une grande place. J’ai eu ma chance de baigner tout petit d’abord par mon père dans cet environnement, puis j’ai pu jouer avec les jeunes de Monaco et j’ai eu l’honneur de gravir les échelons jusqu’à entraîner l’équipe professionnelle. J’ai pu voir mon père évoluer en tant qu’entraineur à Monaco et j’ai côtoyé de forte personnalité dont le coach Leduc.”

Après avoir entraîné l’AS Monaco lors des saisons 06-07 et en 2011, que retenez vous de votre passage en Principauté ?

“Monaco est pour moi, le début de tout, le club que j’ai dans le cœur. J’ai connu un club familial qui m’a fait grandir et évoluer humainement et sportivement. J’ai vécu beaucoup de réussite et de désillusion aussi, je retiens le fait d’avoir eu le privilège d’être contacté pour coacher l’équipe première. Lors de mon premier passage, un désaccord avec la direction en place a fait que j’ai dû quitter mon poste mais je garde aussi en tête la descente en 2011. Cette descente m’a fait mal, ça m’a touché au point pour ne pas le dire que même en étant parti entraîné au Qatar, il n’y avait pas une semaine où je ne me repensait pas à un choix, une action, un but et les choses que j’aurais dû ou pu faire différemment. Quand on a l’AS Monaco dans le cœur on ne digère pas facilement ce genre de fait qui reste un aléa du foot et du jeu.”

Par la suite vous avez été entraîner à l’étranger avant de revenir à Monaco. Quel est votre regard sur ce qu’il se passe actuellement en Saudi Pro League ?

“On a connu un essor il y a une dizaine d’années avec la Chine qui a recruté également beaucoup d’européens, mais aussi aux États-Unis donc je ne suis pas plus surpris que cela. A mon époque il n’y avait pas autant d’argent dans le football et les clubs étaient gérés par des personnalités comme Monsieur Campora à Monaco. Maintenant les clubs sont gérés par des sociétés qui cherchent le profit donc le foot évolue lui aussi. Pour avoir évoluer au Qatar et au Koweït entre autre, l’Arabie Saoudite compte beaucoup de joueurs de foot, surtout des jeunes qui jouent dans la rue, ça joue beaucoup, on y trouve un bon niveau donc ça peut aider à servir de tremplin pour les années futures. Je pense que ça peut devenir un gros championnat dans les années à venir. L’argent investi et l’attractivité que ça va générer permettra de développer les centres de formation également.”

Qu’en pensez-vous si la Fifa permet à un club d’Arabie Saoudite de se qualifier en Ligue des Champions?

“Je m’occupe plus du terrain, donc je n’ai pas d’avis sur la question, mais la FIFA est une société qui doit faire des bénéfices et avoir des rentrées d’argent et si qualifier un club d’A.S permet de voir des projets aboutir, on verra ce que l’avenir dira.”

Vous avez effectué un retour en France du côté  de Monaco mais cette fois à l’ASMFF, la section féminine. Pourquoi ce choix ?

“J’ai été contacté par Jérôme de Bontin qui m’a exposé le projet, c’était un projet sur 3-4ans avec un objectif clair qui était de développer le foot féminin et arriver à une structure professionnelle pour l’ASMFF. J’avais de part ce choix, l’occasion de revenir sur Monaco et me lancer dans un nouveau beau projet. Il y avait beaucoup de travail, de prospection aussi bien hors football mais aussi sur le terrain, mais aussi de connaissance et découverte de l’équipe, du niveau et des objectifs à mettre en place. J’avais pu en Angleterre voir l’évolution du football féminin, et de part mon expérience j’étais enthousiaste à l’idée de relever ce challenge.”

Dans l’approche qu’est ce qui change d’une équipe pro masculine ?

“Je n’avais jamais entraîné d’équipe féminine, mais j’ai eu la chance au cours de ma carrière d’entraîner toutes les catégories possibles, des poussins à une équipe première professionnelle donc assez naturellement j’ai adapté le niveau de mes séances et appréhender la capacité dévolution et d’adaptation de mon groupe. Nous avions un bon groupe avec une belle marge de progression, je sentais des joueuses concernées et travailleuses.”

Pourriez-vous nous en dire plus sur votre départ alors que les résultats étaient positifs ?

“J’ai été le premier surpris, maintenant moi je m’occupe du terrain, donc je n’ai pas vraiment tous les tenants et aboutissants de cette affaire, je sais juste qu’un problème administratif entre l’actionnaire américain et l’association sur la signature d’une convention a entraîné que le groupe se retire et donc tous les projets en découlant ont été stoppés. Les joueuses, le staff, le club et moi même avons été choqués mais c’est ainsi. Nous étions bien engagés, les filles étaient impliquées et déterminées, c’est dommageable que cela n’ait pas pu aboutir.”

En tant qu’entraineur quel a été le meilleur moment de votre carrière ?

“Le meilleur moment de ma carrière… difficile de n’en garder qu’un. Je dirais que le moment où l’on m’a contacté pour prendre en charge l’équipe professionnelle c’était quelque chose d’important et émouvant pour moi. Mais je pourrais aussi dire mon premier match sous les couleurs de la Diagonale, ou encore quand devant 60 000 personnes j’ai remporté avec mon équipe la coupe du Qatar. C’est difficile de ne retenir qu’un seul moment.

J’ai aussi en souvenir les séances d’entraînement avec des Henry, Trezeguet, Porato, Irles, Bellone ou Prso qui étaient un véritable plaisir tant il y avait de talent. On se régalait !”

Qu’elle place tiens l’AS Monaco dans votre cœur ? Quel est pour vous le meilleur souvenir que vous en gardez ?

“Monaco reste le club de ma vie, après mon départ, j’ai préféré évoluer à l’étranger car je ne souhaitais pas évoluer dans un autre club en France. J’ai été sollicité mais j’ai refusé les offres.

J’ai un souvenir marquant quand j’étais en jeune à Monaco, mon père était alors entraîneur lors de la saison 81-82, et pour le compte de la dernière journée nous jouions à Strasbourg et on avait 1 point d’avance sur Saint-Étienne et il fallait gagner pour être champion. Saint-Etienne, de Platini, gagne 9-2 à Metz et nous n’arrivions pas à marquer. Dans l’ancien Louis II en fin de rencontre Barberis inscrit un but de la tête sur une passe de Bellone et on devient Champion de France ! Quelle sensation.”

Entraîner à Monaco est particulier, selon vous quels sont les atouts pour réussir en tant qu’entraineur ?

“C’est un club particulier mais avec ces caractéristiques propres qui en font ce club avec une telle dimension. Le contexte de mon époque est très différent de celui actuel, la société a évolué et l’argent a pris le pas sur le plaisir de jouer. J’ai connu la Turbie sans terrain de foot, donc je pense que le recrutement de joueurs qui correspondent à l’environnement de travail du club est primordial. Pour l’entraineur du moins du temps où j’ai pu voir évoluer mon père et quand j’étais à la tête des différentes catégories, il faut les valeurs du club et savoir s’adapter aux joueurs et pouvant faire passer les messages. Contextualiser et impliquer le groupe je dirais.”

Selon vous quel joueur est le plus emblématique de l’AS Monaco et pourquoi ?

“Comme pour l’autre question, difficile d’en ressortir qu’un joueur, tant Monaco a façonné de jeunes talents et a vu des joueurs de grande classe. Je dirais J-L ETORRI tant ce joueur était charismatique. Il a disputé un nombre incalculable de match, c’était un très grand gardien.

Dans les années 80 vous aviez aussi des Onnis, Petit… et consort. Donc n’en citer qu’un ne serait pas rendre honneur aux autres.”

Depuis votre départ du club, beaucoup de changements sont intervenus tant sur le plan sportif qu’en dehors. Pensez vous cette saison Monaco armé pour retrouver l’Europe ?

“J’ai été invité pour voir le nouveau centre d’entraînement. C’est incroyable surtout après avoir connu la Turbie sans terrain ni infrastructure d’accueil. Les jeunes logeaient seul sur Monaco donc l’évolution est immense et je pense que la politique actuelle du club permet d’évoluer dans ces très bonnes conditions. Ils se donnent les moyens de leur ambitions. Je pense que cette année le recrutement a été bon et équilibré et qu’avec l’arrivée de Balogun le club semble armé. Les joueurs paraissent s’adapter rapidement, je n’ai pas été encore au stade cette saison mais le club semble mieux structuré.

Lorsque Monaco est descendu, le club a du se remettre en question et tout remettre à plat, je pense que l’après titre a été à ce titre un moment de flottement au cours duquel la direction a cherché le bon équilibre. Le recrutement de profil compatible n’est pas évident mais cette saison l’équipe me semble armée.”

Avez vous gardé des contacts au sein du club ou de joueurs ?

“J’ai gardé quelques contacts avec certaines personnes de l’administration mais depuis mon passage beaucoup sont partis. Côté terrain avec Dos Santos mais là aussi, il y a eu beaucoup de changement.”

Un mot pour les supporters et sur les 100 ans du club a venir la saison prochaine ?

“Je remercie les supporters qui ont toujours eu une grande place dans mon cœur. Ils ont été là dans les bons et mauvais moments, et aussi tous ceux qui se déplacent partout en France pour venir dans les stades. J’espère qu’on se qualifiera à l’issue de la saison pour l’Europe pour dignement célébrer cette grande année à venir. Monaco est sur la bonne voie pour redevenir un grand club et combler le retard avec Paris grâce aux bons recrutements et le développement de sa formation. Avec du temps et de la réussite je n’ai pas de doute que Monaco réussira et permettra aux supporters d’être fier et que cela ramènera du monde au stade ! Et par dessus je souhaite que Monaco conserve la qualité de ses supporters qui font l’AS Monaco.”

Nous remercions le coach pour son temps, sa gentillesse et sa disponibilité. Nous lui souhaitons bonne chance pour la suite de la carrière. Daghe Laurent!

Photo : Xavier Grimaldi – Icon Sport