Monaco : Les datas au détriment du terrain ?

Monaco : Les datas au détriment du terrain ?

21 octobre 2022 46 Par Christopher T

Entré dans l’ère des datas et aux données relatives à l’état de forme des joueurs, Monaco, avec son centre de performance, et l’arrivée de son directeur sportif Paul Mitchell s’est vu doté de nouveaux outils afin de suivre au plus près l’évolution physique des joueurs. Fraichement inauguré, et déjà en fonction pour les joueurs, le joyau souhaité par le président Rybolovlev est une grande avancée et cela représente même : “Une nouvelle page de l’histoire de l’AS Monaco avec ce Centre de Performance, doté d’installation ultra modernes et de nombreux espaces dédiés à l’excellence” comme l’a déclaré S.A.S le Prince Albert II. Cependant on peut se poser la question sur le fait qu’une telle infrastructure ne vienne pas suppléer dans la tête des joueurs et des dirigeants la réalité du terrain.

Les datas en question

Pas une conférence de presse (ou presque) sans que le coach Clement ou P. Mitchell ne parle des données recueillies lors des sessions d’entrainement ou pendant les matchs, quand on évoque la question de la composition d’équipe ou même du turn-over (quasi inexistant) malgré des rencontres à répétition.

P. Mitchell depuis son arrivée n’a eu de cesse de répéter son ambition de devenir et de faire de Monaco une référence au niveau européen en terme de performance athlétique. On constate au niveau de la Ligue 1 les résultats sont “flagrants” :

  • Le Monaco 2019-2020 sur les données de distance, de courses et de changements de rythme était à la 10ème position par rapport aux autres équipes du championnat
  • Le Monaco 2021-2022 est devenu leader et un exemple dans ce domaine

La réalité du terrain elle, peut être tout autre. En effet, conditionner les joueurs, insuffler une hygiène corporelle, optimiser le temps de récupération et parvenir à préparer physiquement les joueurs à un enchainement de match est nécessaire et capital pour réussir une bonne saison, aussi longue soit-elle. Pour autant, ça ne fera le résultat escompté sur le terrain que si la composition, la tactique et la physionomie du match viennent faire mentir les chiffres (on évitera l’évocation des faits d’arbitrages).

L’adage “les hommes mentent mais les chiffres ne mentent pas” ne tient pas forcement lorsqu’on parle de football. Le foot n’est pas une donnée scientifique et ne relève pas uniquement de données chiffrées, combinées et mis bout à bout.  Le bienfait de cette nouvelle démarche sportive, n’a pas que des qualités ou que des défauts, mais il faut trouver le juste équilibre. On le sent, d’ailleurs, dans l’évolution physique d’un Fofana ou d’un Disasi qui lui-même l’expliquait : “A Reims, il y avait beaucoup de personnes compétentes mais en arrivant ici, j’ai vu que j’allais passer un cap sur cet aspect.”

On peut remarquer le plus qu’apporte ces méthodes également par le nombre de blessures moins importantes dans le groupe et, pour un joueur comme Golovin, qui cette saison semble avoir retrouvé une forme étincelante lui permettant d’enchainer l’apport de cette gestion.

Si les joueurs en font l’usage juste, à savoir améliorer la compréhension de leur corps et appuyer sur les “faiblesses” physiques, alors l’outil mis en place a son rôle à jouer, mais si ce dernier passe d’outil à élément de culture de la performance, on en perd l’essence même de la culture du jeu. Être bien dans son corps et sa tête pour un joueur est primordial, mais aussi évoluer dans le sens du jeu, prendre du plaisir sur le terrain, être à sa place et gagner sa place sur son envie, sa détermination.

La réalité du terrain

Une fois les datas digérées et analysées, le football doit reprendre et là, débute le travail du coach à proprement parlé. En effet, l’instinct, le ressenti, l’analyse du prochain adversaire doit primer sur les autres aspects. Monaco se veut ambitieux et donc aligner un 11 fort et un groupe capable de suppléer ce dernier à n’importe quel moment. A son arrivée, l’entraineur belge avait comme ambition de pratiquer un football rapide, exigeant physiquement, c’est pourquoi il adhère et colle parfaitement au souhait du directeur sportif. Cependant même si des progrès ont été faits dans ce domaine comme il le précise : “A mon arrivée, les joueurs baissaient légèrement de niveau après l’heure de jeu, alors qu’aujourd’hui nous sommes capables de jouer à haute intensité tout le match“, ce n’est pas pour autant que les résultats sont arrivés de suite. Le travail tactique, avec ballon, faire émerger des complémentarités sont tout ce que les datas ne peuvent pas offrir.

Les résultats positifs de ces derniers matchs, ne doivent pas occulter les difficultés de l’AS Monaco depuis l’année du titre à trouver et retrouver une stabilité dans son effectif et sur le terrain. Tâtonner sur une tactique, un équilibre, un système, une ambition, n’est pas acceptable quand on est un club historique comme Monaco. Si on prend l’arrivée de Clement, il a mis énormément de temps à déroger à son système de jeu souhaité et surtout d’accepter de le faire évoluer en fonction de l’adversaire (défense à 3 ou à 4 à plat) mais également dans le choix de ses titulaires ou des joueurs comme Diatta, Minamino ou Vanderson qui ne sont pas au niveau pour permettre d’aider l’équipe. A cela s’ajoute les remplacements illisibles ou souvent tardifs qui mettent en difficulté l’équipe sur un grand nombre de matchs. Ces aspects purement footballistiques sont du ressort du technicien en charge de l’équipe professionnelle, et il lui appartient de faire grandir son groupe, le faire évoluer et impliquer les remplaçants aux différentes séances en semaine mais se figeant sur le terrain et l’aspect tactique. Il faudrait mettre de côté les données chiffrées ou du moins laisser la cellule en charge de cela hors du champ des joueurs. Le foot se joue sur un terrain à 11 contre 11, c’est avant tout un duel d’hommes et non pas de données virtuelles. La constance et l’implication de tous passent par la cohésion, le groupe et le meilleur qu’on arrive à tirer d’eux-mêmes par le discours d’un meneur.

Si on fait le bilan sur la Ligue 1 avec l’obtention de place qualificative pour la Ligue des Champions accessible deux saisons de suite par les barrages et au final une non qualification, assortie en Ligue Europa de 2 victoires, 2 nuls et 4 défaites alors on peut légitimement se poser la question sur les capacités intrinsèques de l’équipe et du groupe dans le jeu et de la réelle ambition du club (recrutement tardif du remplaçant de Tchouaméni, confiance relative donnée aux jeunes alors qu’ils ont très peu de temps de jeu…).

Si l’ambition non dissimulée du club, d’après J. Bunce est qu’: “A Monaco, on veut développer les joueurs au plus haut niveau physique, donc au niveau réclamé par la Champions League”, d’atteindre l’objectif fixé par le président en y amenant les jeunes de l’Academy, alors le but sera clairement d’être précis et ambitieux sur le marché des transferts. Hors la déroute “surprise” de jeudi dernier en terre Turque, démontre elle, que la profondeur de banc et avoir 22 joueurs au même niveau d’envie et d’engagement est nécessaire et doit être évoqué pour le prochain mercato.

Même si les deux données – datas et terrain – sont liées, elles doivent être séparées et utilisées en complémentarité, les datas sont un outil, moderne correspondant à son temps, mais il n’en ait pas moins qu’à des époques moins récentes, les joueurs par d’autres aspects remportaient des matchs, glanaient des titres et ce sont ces derniers qui ont fait de l’AS Monaco le club avec ce palmarès reconnu dans toute l’Europe. Nul doute d’une opposition entre les 2.0 et les initiaux sur ce thème, mais une chose est sur, les titres et les victoires résultent du talent individuel et collectif et à la magie que ce sport, unique, procure à ces supporters aussi différents soient-ils.