Jardim : Leonardo aux mains d’argent

12 octobre 2018 27 Par Vianney L.

Arrivé sur le Rocher en juin 2014 pour 3 ans puis prolongé à l’été 2017, Leonardo Jardim vient de quitter l’AS Monaco FC. Celui que personne ne connaissait, que personne n’attendait, a réalisé de très grandes choses pour le club à  la diagonale et est entré à coup sûr dans l’Histoire de l’AS Monaco et du football français. Voici une présentation de son parcours professionnel et un retour sur les 4 saisons passées sous la houlette du tacticien portugais qui a su faire “l’omelette avec les œufs” qu’il avait :

Parcours de Jardim avant Monaco

Alors que beaucoup d’enfants rêvent de devenir footballeur, Jardim, lui, rêvait de devenir entraîneur. Profil atypique et féru de philosophie, le portugais n’a jamais joué au football au niveau professionnel. Il a commencé sa carrière en 2001 à 27 ans seulement en tant qu’adjoint au club de D3 portugaise, Camacha.

De 2003 à 2008, il sera entraîneur de ce club avant de coacher Chaves, autre club de D3 portugaise de 2008 à 2009. Promu en D2, il est remarqué par le SC Beira-Mar avec qui il signe et montera en Liga Sagres (premier véritable exploit). Il réussit à maintenir le club en D1 et par la même occasion, commence à se faire un nom au Portugal. Suite à de mauvais résultats, il démissionne en 2011 et rebondi pour une saison au SC Braga qu’il emmènera à une très remarquée 3ème place. Des tensions apparaissent malheureusement avec le président du club. Le tacticien s’envole alors pour la Grèce, à l’Olympiakos Le Pirée. II y restera une saison (2012-2013). A ce moment, Jardim n’a que 37 ans. En 10 ans, il est donc passé d’adjoint d’un petit club de D3 du Portugal au plus grand club de Grèce. Impressionnant.

Sans vraiment savoir pourquoi, alors que les résultats sont excellents, Jardim résilie à l’amiable son contrat avec l’Olympiakos et s’engage en 2013 avec le Sporting Clube de Portugal. Attendu au tournant, puisque le club portugais sortait d’une saison catastrophique, il répond aux attentes en réussissant à qualifier le club lisboète pour la Ligue des Champions.

Alors fortement courtisé, Leonardo Jardim s’engage avec l’AS Monaco à l’été 2014, très attiré par le projet russe du club.

Saison 2014-2015 : première percée européenne

Sorti d’une excellente saison, promu et 2ème derrière le PSG, Monaco veut assumer son statut de grosse cylindrée. Jardim a la lourde, très lourde tâche de remplacer l’aimé Claudio Ranieri. L’ASM finira à une bonne troisième place en championnat, derrière le PSG et l’OL avec un total de 71 points. Si le club de la Principauté est stoppé dès les 1/4 de finale en coupe de France, Jardim réussi à mener ses hommes jusqu’en 1/2 de coupe de la Ligue.

Au niveau européen, Jardim se démarque pour la première fois. Qualifié pour les phases de poules, le petit poucet monégasque fini à la surprise générale à la première place du groupe C devant le Bayer Leverkusen, le Zénith Saint-Pétersbourg et le Benfica Lisbonne. La petite épopée européenne continue un peu suite à l’élimination rare d’un club anglais par un club de Ligue 1 : Arsenal tombe en 8ème face aux monégasques. Arrivés jusqu’en quarts, Monaco sort très dignement face à la vieille Dame : la Juventus Turin.

Dès lors, Jardim doit composer avec le revirement de politique du club. Il n’est plus question d’acheter des stars comme Falcao ou James Rodriguez mais de composer une équipe avec des jeunes prometteurs pour les revendre rapidement. Le natif du Venezuela accuse le coup, mais assume le plan : il sera la pierre angulaire de ce projet qui peut paraître douteux. Jusqu’en 2016, il sera privé de Falcao. Dur pour le coach mais il s’en sortira très bien.

Saison 2015-2016 : demi-teinte et premier danger

Cette saison, Monaco fini tout de même à la troisième place, avec 65 points à égalité avec le 2ème (malheureux goal average). Cette année-là, l’ASM n’atteindra que les 1/8 de finale des Coupe de France et de la Ligue. Maigre bilan au niveau national. Certains spécialistes se mettent alors à critiquer le style de jeu proposé par Jardim puisque son équipe s’en sortait souvent avec un seul petit but d’écart. Son profil atypique commence même à subir des moqueries ; mais le tacticien, en danger, est solide.

La déception est venue surtout du bilan européen. Si le club du Rocher a réussi à sortir au deuxième tour de qualification à la Ligue des Champions les Young Boys de Berne, l’ASM chute face à Valence au tour suivant. Reversé en Ligue Europa, avec 3 nuls et deux défaites, Monaco finira troisième du groupe J derrière Tottenham et Anderlecht. Saison européenne ratée.

Cependant, la troisième place très convoitée par Nice, réel outsider, permet à Jardim de souffler. L’objectif est atteint : se qualifier pour la LDC.

Saison 2016-2017 : l’extraordinaire

Sans conteste, il s’agit de la plus belle de saison de sa carrière et d’une des plus belles pour Monaco. Le projet des russes est à son apogée : les jeunes recrues prometteuses sont au rendez-vous et le club est inarrêtable. Jardim et ses hommes finissent champions de France avec brio et 95 points, devant le tant redouté PSG. Inattendu, inespéré, le tacticien prouve qu’il fait partie des grands entraîneurs du moment. Il remportera même le trophée UNFP de meilleur entraîneur du football français cette saison-là, 13 ans après Didier Deschamps en 2004.

Tout va à merveille : les jeunes sont des pépites et tout le monde les veut ; les “anciens” sont en grande forme et les scores “fleuves” sont fréquents. Même en coupes nationales, Jardim mène ses hommes en 1/2 de la Coupe de France et est finaliste de la Coupe de la Ligue.

Sur le plan européen, la perfection était proche. Jardim a réussi l’exploit de mener ses hommes jusqu’aux 1/2 finales de la LDC après être venu de très loin. En effet, il a fallu sortir le Fenerbahçe et Villareal en phase de qualifications. En phase de poules, Monaco devance le Bayer Leverkusen, Tottenham et le CSKA Moscou. Successivement, Monaco réussit l’exploit de sortir Manchester City et le Borussia Dortmund. Encore une fois, le club du Rocher sera sorti par la vieille Dame. Amende honorable, Jardim avait atteint les 1/2 finales.

Suite à cette saison magnifique, tout le monde réalise l’ampleur du projet des russes. En effet, tous les efforts de Jardim partiront en éclat puisque les meilleurs joueurs ont quitté le club. Jardim reste et recommence presque à zéro pour la saison suivante.

Saison 2017-2018 : la ténacité paye

Voilà, l’équipe a été chamboulée et Jardim doit inlassablement bâtir un nouveau groupe. Heureusement quelques bons éléments ont été quelque peu contraints de rester. Beaucoup d’experts, vu la qualité de jeu proposé par la Principauté, pensaient voir le club couler. Que nenni : Jardim hissera ses joueurs à la deuxième place de L1 avec un record de points pour un dauphin : 80 points.

En revanche, en LDC, il faut faire face à une nouvelle déception après l’épopée passée. Malheureusement, Monaco fini dernier du groupe G derrière le Besiktas, Porto et Leipzig. Même pas de Ligue Europa en consolation. Il s’agit là de son plus mauvais bilan européen avec l’ASM. Peu importe, les russes ne cherchent pas spécialement à toujours briller en Europe. Les objectifs nationaux sont atteints d’autant plus que Jardim a encore mené ses hommes en finale de Coupe de la Ligue. Le portugais décide de rester.

Saison 2018-2019 : la saison de trop

Leonardo Jardim n’aura pas eu le temps d’arriver jusqu’en 2019. Après 9 matchs de Ligue 1 complètement ratés, 18ème du championnat, il est remercié. Il s’agissait certainement de la saison de trop. Lui-même l’avait pressenti car les autres équipes du championnat se sont renforcées et l’intersaison a été redoutable sur le plan des transferts. Énormément de joueurs sont partis et de très (trop ?) jeunes joueurs sont arrivés. Si les années précédentes, Jardim repartait presque à zéro, cette saison c’est sûr, il repartait à plat. Difficile de gonfler ! C’est amèrement qu’il quitte le club, victime du projet qui ne peut tenir qu’à raison de résultats à courte durée.

Bilan : plus d’un match sur deux de gagné avec l’ASM

Leonardo avait des mains d’argent à Monaco ; il peut se targuer d’un excellent bilan global avec 127 victoires sur 233 matchs dirigés. Il n’a perdu “que” 55 fois et a connu 51 matchs nuls ; bravo l’ingénieur !

Des mains d’argent aussi car 9 jeunes ont “explosé” sous l’ère Jardim : Bernardo Silva, Thomas Lemar, Benjamin Mendy, Yannick Carrasco, Anthony Martial, Geoffrey Kondogbia, Tiemoué Bakayoko, Fabinho et surtout Kylian Mbappé. Même le valeureux Valère Germain a trouvé une très bonne place à Marseille. Son coaching a donc remporté beaucoup d’argent au club.

A y repenser, de sacrés joueurs de niveau international ont éclos grâce à Jardim. Chapeau aux recruteurs mais surtout chapeau au technicien !

C’est sûr, Jardim manquera aux supporters et au club. Le pari est risqué pour les dirigeants : se séparer de l’homme qui assumait la fatigante tâche de repartir à zéro chaque année. Qui d’autre voudrait travailler dans de telles conditions ?

Nous lui souhaitons de trouver un club avec un projet totalement différent ; nul doute qu’il est déjà très convoité partout en Europe.

Merci Jardim, merci pour tout !

Source photo : le Parisien