L’homme à débattre

L’homme à débattre

19 octobre 2022 56 Par Equipe Rédaction

C’est au terme d’une saison 2019/2020 tronquée par une vilaine pandémie que débarque Paul Mitchell à l’ASM, propulsé directeur sportif. Ancien footballeur professionnel davantage confronté à l’âpreté de la “League One” qu’au faste de la Premier League, c’est à peine retraité qu’il se mue en recruteur. Southampton en 2012, Tottenham en 2014 puis le RB Leibzig en 2018, avec lui viennent les noms de Sadio Mané, Delle Ali, Dusan Tadic, Son Heung Min, Nordi Mukiele… joueurs dont il a favorisé le recrutement durant ses différents mandats.

Arrivé sur le rocher en juin 2020, le rôle pris par P.Mitchell au sein du club outrepasse largement ceux qu’il occupait par le passé. Il incarne et gère l’intégralité de la stratégie sportive du club. L’organigramme se mue en conséquence. Deux vice-présidents fantomatiques (Juan Sartori et le relégué Oleg Petrov), un directeur général, Jean Emmanuel de Witt le supplantent théoriquement dans la hiérarchie mais P.Mitchell est bel et bien le numéro 2. Celui qui murmure à l’oreille du président et propriétaire D.Rybolovlev. Notre directeur sportif, si sûr de lui, agace bon nombre de nos supporters.  Ses déclarations peuvent laisser sceptique, ses choix et sa logique aussi. D’autres lui reprochent une inertie coupable dans le recrutement d’un milieu défensif auquel ils imputent notre non-qualification à la LDC pour la deuxième saison consécutive. Alors P. Mitchell est-il l’homme dont l’ASM avait besoin ? Sa direction sportive respecte-t-elle les valeurs du club ? Conduit-il notre Rocher dans un mur ou en fera-t-il une comète ? Telles questions méritent bien contradictoire. Je m’oppose à Geoffroy B sur le cas Paul Mitchell.

L’avis d’Olivier N : “Un gestionnaire, un top recruteur qui fait grandir le club”

Il faut avant tout se souvenir que lors de son arrivée en juin 2020, le club est en plein marasme. L’ASM paie cher ses années grandioses par une politique sportive désastreuse pendant trois années. La première des missions de Paul Mitchell était de dégraisser et pas de recruter. Ceci peut paraître contre-intuitif pour nous supporters mais demeure vital pour la survie d’un club. Mboula, Pelé, Chadli, Grandsir, Zagré, K.Baldé, Panzo, Foster, Geubbels, Jorge, Gil Dias… voici un (petit) florilège de joueurs que notre directeur sportif a eu le plaisir de voir zoner à la Turbie lors de son arrivée. Deux années plus tard la quasi intégralité de ces joueurs recrutés dans la frénésie ne sont plus sous contrat à l’ASM. Seule une personne disposant d’un réseau considérable et d’habiles facultés de négociation  a pu réussir ce tour de force. Sans cette réaction salvatrice, le club courrait à la ruine financière et sportive.

Ensuite Paul Mitchell est un authentique recruteur, ce qui est loin d’être le cas de tous ses homologues en L1. Son réseau est une richesse pour le club et il  dispose de réelles compétences techniques qui lui permettent d’appréhender la qualité des joueurs et plus important encore leur faculté d’intégration à l’effectif. En deux ans sous son égide ont été recruté Disasi, Caio, Volland, Vanderson Embolo, Camara… des tops profils recrutés à très bons prix. La seule erreur avérée est Lucas. D’autres, qui n’ont pas emporté satisfaction peuvent encore éclore (Jakobs, Boadu, Minamino…). En matière de recrutement le risque zéro est impossible, ceci pour quiconque dirige le recrutement. Je constate que sur deux années d’activité et trois mercatos, l’effectif s’est considérablement enrichi en qualité, la progression est exponentielle et la mentalité de nos joueurs est exemplaire (la discipline fait aussi partie des critères de recrutement)

Enfin derrière la communication usuelle du dirigeant d’un club de football qui a bien des égards peut paraître insupportable il y a, à mes yeux, un respect de l’institution. L’ASM tire sa richesse sportive du couple détection / formation qui une fois arrivé à maturité, peut offrir des grandes saisons. Derrière ces quelques grandes saisons il doit y avoir de la constance pour entretenir et renouveler ce cycle. Monaco n’aura jamais la notoriété ou les moyens des plus grands, le club doit consentir régulièrement à faire partir les pépites qu’il fait éclore. L’enjeu de notre avenir est tant l’équilibre financier que le bon dosage pour renouveler l’effectif en le faisant grandir. Depuis deux années, la direction sportive s’escrime à cet exercice avec brio. Mitchell fait prolonger certains joueurs dans le bon timing et a réussi à préserver la cohérence de l’effectif en ne cédant pas à l’emballement ou à la fièvre vendeuse. Deux podiums en deux années et enfin une belle entame de championnat, il ne peut pas être étranger à cette réussite.

L’avis de Geoffroy B : “Head of performance or not”

Alors bonne pioche ou pas ? Comme pour les entraîneurs (comme tous les clubs de football), l’AS Monaco peine à trouver l’équilibre en haut de la pyramide : directeur technique, responsable du recrutement, directeur de l’Academy et même entraîneur de feu la réserve, il est difficile de rester bien longtemps collé sur le Rocher. Aujourd’hui, l’AS Monaco a une impressionnante armada de dirigeants à sa tête alors que Dmitry Rybolovlev laisse peu à peu les manettes. On s’y perd un peu, nous les supporters lambda, mais après tout, la seule chose qu’on souhaite c’est la victoire et accessoirement le panache. Si Paul Mitchell est si bon que cela, comme Luis Campos, il finira par partir voir si l’herbe est plus verte ailleurs.

Alors qu’on ne sait pas si un jour il finira par parler français aux médias, critique qu’on peut malheureusement faire pour nombre de nos joueurs, on ne comprend pas vraiment, sportivement parlant, pourquoi s’acharner à être sur le podium de la Ligue 1 ; plus précisément la peu engageante troisième place, synonyme de rien du tout. Hormis l’aspect financier de la chose, il est clair que perdre à une marche de la Ligue des Champions – où nous serions sans nul doute aux fraises – est incompréhensible. Pourquoi s’efforcer d’être en C1 alors que notre effectif ne permet pas de bien y figurer ? Ou pire, comme cette saison, dégraissage ou non, négociation difficile ou pas, comment accepter que Tchouaméni ne soit pas remplacé en tant et en heure. Le 11 juin, il signait au Real. Le 2 août (match nul, à l’aller) voire le  9 août (match retour), le PSV Eindhoven était sur notre route. Inexcusable.

Les performances passées ne préjugent pas de celles futures. Le bilan est ni catastrophique ni miraculeux. Si on s’arrête uniquement sur l’aspect recruteur, une des (trop) nombreuses casquettes de Paul Mitchell, il semble intéressé par les profils de joueurs ayant déjà prouvé dans une fourchette de prix à 10-20ME. A l’instant T, oui, Embolo nous fait vibrer et Minamino, beaucoup moins. Après les buteurs Falcao et Ben Yedder, Monaco n’a peut être plus les moyens d’acheter une star du ballon rond ou plutôt souhaite rester dans les clous imposés par l’UEFA. L’instance européenne n’est pas le seul à nous porter préjudice, de temps à autre, il serait de bon ton de monter un peu plus vite au créneau quand il le faut.

Photo : Pascal Della Zuana – Icon Sport