Bilan N.Kovac : espoirs et doutes

Bilan N.Kovac : espoirs et doutes

30 décembre 2020 19 Par Franck C

Arrivé en juillet dernier sous la houlette du directeur sportif P.Mitchell, l’ex coach du Bayern Munich et de l’Eintracht Francfort a semble-t-il fait naître de grands espoirs depuis son arrivée sur le Rocher monégasque. Décidé à atteindre les objectifs fixés par le vice-président Petrov (le podium de Ligue 1, rien moins que ça !), et à mieux valoriser les jeunes espoirs du club, Kovac a réussi à rassurer les sceptiques mais a aussi fait naître des doutes sur le système de jeu et aussi des critiques liées à des défaites récentes et surtout évitables (l’exemple de la défaite 3-0 face à Lens le 16 décembre dernier). Au vu du classement actuel (l’ASM est 6ème de Ligue 1) et des résultats parfois en dents de scie des Rouge et Blanc, le technicien croate a assurément encore un long et difficile travail de façonnage d’un effectif certes de qualité mais qui n’a pas encore réussi à convaincre les observateurs de ses capacités à intégrer le top 3 du championnat. Kovac reste aussi un compétiteur coriace dû à son passé de joueur et nul doute qu’il saura mettre tous les ingrédients nécessaires dans un contexte de retour de joueurs importants soit absents pour blessures (Golovin, Fabregas) ou en méforme (Ben Yedder) depuis quelques semaines. L’optimisme reste de rigueur mais force est de constater que l’ASM a grillé quasiment tous ses « jokers » lors des 17 premiers matchs de Ligue 1. Kovac en est conscient et donne déjà rendez-vous à l’issue de la 20ème journée de Ligue 1 pour faire un bilan plus précis de la situation sportive du club. Nous vous proposons cependant un premier bilan basé sur les 17 premières journées du championnat.

 

Un classement logique

Au soir du dernier match de l’ASM face à l’ASSE (2-2), le coach croate a bien résumé le parcours du club en Ligue 1 depuis août 2020 : « Nous sommes sur le bon chemin mais nous n’avons pas encore atteint le niveau que j’attends. Nous avons eu des hauts et des bas, mais nous sommes sur le bon chemin. Nous devons progresser sur certains aspects du jeu. Il nous reste trois matches à disputer dans la phase aller. Alors, reparlons de cela au début du mois de janvier ». (Source : asmonaco.com 17/12/2020)

8 victoires, 3 nuls et 6 défaites en 17 journées de Ligue 1 (NB : les 18 et 19ème journées se joueront les 6 et 10 janvier 2021), et une sixième place au classement de la Ligue 1. Voici le bilan de l’ASM sous l’ère Kovac, bilan à 100 % Ligue 1, l’ASM ne disputant aucune Coupe d’Europe cette saison. Certes, les Monégasques sont à égalité de points avec le promu lensois à qui il reste un match en retard à jouer (contre l’OM) et ils devancent temporairement Nice ou Montpellier, autres candidats sérieux à l’Europe…En 17 matchs, le club monégasque a glané 1,58 points par match joué. A titre de comparaison, la saison dernière, les Monégasques avaient 24 points au compteur à l’issue de la 17ème journée (victoire 3-0 contre Amiens) et étaient 11èmes au classement (moyenne de 1,41 points/match). L’ASM compte cependant 6 défaites en 17 matchs, ce qui représente 35 % de matchs perdus…C’est beaucoup trop pour un club aux ambitions européennes en fin de saison, voire de top 3 de la Ligue 1…

Lors de cette phase aller de Ligue 1, hormis le PSG (battu 3-2 lors de la 11ème journée), l’ASM n’a pas réussi  à battre les échappés de tête de peloton, à savoir l’OL (défaite cinglante 4-1), actuel leader provisoire, le LOSC, actuel second au classement (défaite 2-1), le Stade Rennais (défaite à l’extérieur 2-1) et l’OM (défaite à l’extérieur 2-1). L’ASM donne également l’impression de peiner pour se rapprocher de ce quinté de tête. Parmi les équipes classées devant le club monégasque, l’OL reste en position de force. Le club rhodanien a déjà 9 points d’avance sur le club de la Principauté et ne dispute aucune Coupe d’Europe. Les hommes de R.Garcia paraissent difficiles à manœuvrer à terme et seront coriaces à déloger du podium. Le LOSC semble lui aussi prétendre à surclasser l’équipe de N.Kovac. Les Nordistes sont dans une bonne dynamique en Ligue 1 et possèdent déjà 9 points d’avance sur l’ASM. Le club présidé par O.Létang reste toutefois qualifié en Ligue Europa et disputera aussi la Coupe de France à partir de février 2021, ce qui pourrait à terme fragiliser ses performances en Ligue 1…Le PSG n’a pas encore atteint sa pleine puissance et sera logiquement amené à prendre encore plus d’avance (+ 8 points sur l’ASM), ce qui en ferait un concurrent inatteignable logiquement. Le club de la capitale est en cours de changement d’entraineur et privilégiera de nouveau la Ligue des Champions comme objectif suprême de sa saison en cours. Le Stade Rennais, quant à lui, reste proche du club monégasque (31 points) même si le club breton , qui était dans une période sportive délicate, a ensuite redressé la barre enchainant 4 victoires d’affilée en Ligue 1 après une élimination définitive en Ligue des Champions. Enfin, l’OM, à un point seulement du club monégasque, a encore deux matchs de retard à jouer et pourrait donc mathématiquement prendre 6 points de plus. En outre, le club olympien ne dispute plus de compétition européenne même si les Marseillais marquent le pas depuis deux journées de championnat (1 nul à domicile et une défaite à l’extérieur). Certes, l’ASM affrontera 4 de ces clubs à domicile lors des matchs retour, ce qui est indéniablement un avantage certain qu’il faudra bien exploiter.

 

Un système de jeu qui a dû évoluer

Dès son arrivée, Kovac a instauré un système de jeu en 4-3-3 avec Ben Yedder en pointe en attaque soutenu soit par Volland à droite (ou Diop) et Martins à gauche. Ce système a plutôt bien fonctionné à domicile mais a révélé à l’extérieur des faiblesses évidentes (défaites à Rennes, à Brest et à Lyon). La défaite en terre lyonnaise fin octobre a sonné le glas de ce système  tourné vers le pressing offensif mais qui a largement exposé les carences défensives de l’ASM. « Nous avons vraiment pris de mauvaises décisions en première période (Monaco était mené 4-0 à la pause) et moi le premier. Je m’inclus là-dedans car je n’ai pas choisi le bon système, la bonne tactique, les bons joueurs” avait alors expliqué le technicien croate. A l’extérieur face aux Niçois (10ème journée victoire 2-1), l’entraineur croate a conscience qu’il faut jouer avec plus de prudence et passe à un système en 4-2-4 avec des consignes défensives strictes pour Diop et Martins dans les couloirs. Ce système permet de soulager la défense et le milieu de terrain défensif. Contre le PSG, conjugué à des changements efficaces de joueurs (Henrique et Fabregas par exemple), le 4-4-2 permet aux Monégasques de rebondir efficacement en seconde période (l’ASM étant menée 2-0 à la mi-temps) avec une double pointe offensive Volland-Ben Yedder. Kovac maintiendra ce 4-4-2 jusqu’à la 17ème journée et très certainement lors des prochains matchs de janvier prochain.

 

La défense en ligne de mire, l’attaque en « sous régime »

Si l’on regarde de plus près les statistiques de l’équipe coachée par N.Kovac :

Les Monégasques ont vaincu à 8 reprises, dont cinq fois à domicile. Les trois matchs nuls ont été à deux reprises concédés à domicile également (face à Reims 2-2 ; 1ère journée et face à Montpellier 7ème journée 1-1) et les 6 défaites totalisées ont été à 84 % concédées à l’extérieur (5 au total), ce qui fait tâche pour un club censé prétendre au top 3 national…

Le secteur défensif : un chiffre qui ne trompe pas, l’ASM n’est que la 10ème défense de Ligue 1 à ce jour avec 25 buts concédés en 17 matchs (1,47 buts/match), ce qui est certes une meilleure statistique que la saison dernière (au même stade, l’ASM concédait 1,70 buts/match, soit 29 buts en 17 matchs sous les ordres de Jardim) mais qui reste un ratio trop élevé par rapport à certains de ses concurrents (OL : 0,82 but/match ; LOSC : 0,70 but/match et le PSG 0,58 but/match). En outre, l’ASM a concédé 52 % de ses buts à domicile (13 buts), ce qui peut expliquer pour l’instant la volonté offensive prônée par le coach croate surtout à Louis II avec une prise de risques laissant souvent l’arrière garde monégasque plus exposée qu’à l’extérieur. Parmi les hommes forts de ce secteur, R.Aguilar est à ce jour le joueur le plus utilisé par Kovac (1395 minutes de jeu en 16 matchs de L1). Le latéral droit est l’une des révélations du début de saison et a même été appelé en novembre dernier pour sa 1ère sélection en équipe de France A. Caio Henrique a aussi tiré son épingle du jeu. Le latéral gauche brésilien a impressionné pour ses débuts avec l’ASM et notamment face au PSG. Parmi les autres joueurs de ce secteur de jeu, on notera les performances intéressantes d’A.Disasi. L’ex Rémois a affiché des prestations correctes mais marque le pas en cette fin d’année 2020 (expulsion évitable face à Lens). Parmi les déceptions de ce secteur, on notera les performances (et les erreurs individuelles…) en dents de scie de Badiashile, et celles très moyennes de Ballo-Touré dont le départ au prochain mercato serait logique. Maripan a quant à lui peu joué et ne semble pas suffisamment inspiré pour prétendre bouleverser la hiérarchie établie par Kovac au niveau des défenseurs centraux autour du duo Disasi-Badiashile.

Le milieu de terrain : c’est là aussi un secteur de jeu qui laisse certains doutes à Kovac. Malgré une qualité individuelle évidente, A.Tchouaméni et Y.Fofana ne paraissent pas suffisamment « armés » pour tenir sur la durée et dans les répétitions de match à très haut niveau. L’ex Bordelais s’en sort mieux que l’ex Strasbourgeois mais jusque quand…Fabregas a quant à lui amené sa justesse technique de manière évidente (son match contre Nantes en fut le parfait exemple) mais l’Espagnol ne peut pas être « au four et au moulin » de la récupération défensive puis de la projection offensive de l’équipe de manière régulière. Ces trois hommes bénéficient de la confiance de Kovac pour l’instant.

Diop et Martins complètent ce secteur sur la partie offensive. Les deux hommes sont pour l’instant efficaces. L’ex Rennais peut même être qualifié de « révélation » de la première partie de saison. “Mis au placard” par Jardim la saison dernière, Diop a été remis en selle par Kovac qui croit en lui assurément. Efficace techniquement dans son couloir droit, le jeune joueur a même scoré à 4 reprises. La carte « jeunesse » prônée par Mitchell et mise en place par Kovac sur le carré vert a donc un visage, celui de S.Diop.

Le secteur offensif : le club de la Principauté est actuellement la 5ème  attaque de Ligue 1. Le duo Ben Yedder-Volland (incontournable dans l’esprit de Kovac) est actuellement à l’origine de 50 % des buts marqués (14 au total) au bout de 17 journées de Ligue 1. Kovac l’a déjà dit, l’efficacité offensive de ces deux joueurs n’est pas à son meilleur niveau, Ben Yedder étant en méforme depuis son absence pour contamination au Covid-19, même si Volland, après une période d’adaptation évidente, rattrape le temps perdu. Geubbels et Pellegri restent à l’affût également mais demeurent des jokers de luxe encore trop “tendres” aux yeux du technicien croate . A domicile, l’ASM reste largement prolifique en matière offensive avec 20 buts marqués en 9 matchs disputés à Louis II soit plus de 71 % de buts marqués à la maison. A l’extérieur, le club princier n’a inscrit que 8 buts ce qui reste un ratio trop faible pour un prétendant au podium là encore.

 

Une qualité de jeu retrouvée mais avec de l’irrégularité dans les résultats

Cette tendance a effectivement marqué les observateurs de la Ligue 1. L’ASM joue un football plus fluide, plus agréable à voir, et moins « brouillon » que la saison dernière…Ce contexte intéressant masque cependant des interrogations tenaces sur la capacité de l’équipe à enchaîner de bons résultats surtout face aux cadors de la Ligue 1. Même si l’ASM a cumulé 4 victoires consécutives (entre la 9ème journée et la 12ème journée), elle a aussi enchainé 3 défaites successives (de la 13ème à la 15ème journée contre l’OM, le LOSC et le RC Lens) et a évité une 7ème défaite lors de la dernière journée jouée contre les Verts (17ème journée : 2-2).

Certains parlent d’un relâchement après la belle série de 12 points consécutifs, d’autres que l’ASM est rentrée « dans le rang » et que l’effet Kovac s’est estompé…les Rouge et Blanc n’ont cessé de faire du yoyo au classement de Ligue 1. Depuis la 1ère journée (J1) le 23 août, le club monégasque a flirté entre la 9ème place (J1 : ASM-Reims 2-2) et la 12ème à l’issue de la 8ème journée de L1 (défaite 4-1 à Lyon) en passant par la troisième place (J3 ASM-Nantes victoire 2-1). La belle série de 4 victoires acquises entre la J9 et la J12 (Bordeaux, Nice, PSG et Nîmes) a permis de revenir à la 4ème place du classement. Mais dès la J13, l’ASM est repassée sous la barre du quinté de tête et n’a pu faire mieux que 6ème à l’issue de la J17. Si Kovac veut atteindre les objectifs de podium, il faudra d’abord rester dans ce premier wagon des 6 premières équipes, wagon pouvant être qualificatif pour la Ligue Europa pour les 4ème et 5ème places, la 6ème pouvant le devenir également si l’un des cinq premiers du classement gagne la Coupe de France.

 

Un coach pragmatique et proche des joueurs

Proche de Paul Mitchell, d’Oleg Petrov et chef de file d’un staff technique soudé, Kovac a su imprimer sa patte depuis son arrivée à la Turbie. La personnalité du Croate est appréciée par les dirigeants du club. Le redressement est déjà palpable même si les résultats ne suivent pas forcément. Kovac bénéficie, pour l’instant, d’une bonne côte de popularité, non seulement en interne, mais aussi auprès des supporters et des médias, ce qui ne fut pas forcément le cas pour ses prédécesseurs récents.

Le technicien croate a déjà assumé le choix fort de resserrer un effectif professionnel et de le limiter à 27 joueurs en accord avec les dirigeants. Les ambitions portées par Petrov et Mitchell ont aussi assigné Kovac de remettre en lumière les jeunes joueurs talentueux du club. Ce que l’ex coach du Bayern s’est acquitté non sans risques mais avec mérite. A ce jour, les Matsima, Matazo, Badiashile, Diop, Geubbels and Co ont pu montrer de belles choses certes par intermittences mais avec à la clé pour certains des performances très intéressantes (Diop, Matsima et Pellegri dans une moindre mesure). Kovac, on le sait, s’emploiera encore à les faire progresser dans les prochains mois.

Kovac sait aussi faire preuve de réalisme et de pragmatisme face aux difficultés. On l’a déjà évoqué, le Croate a d’abord prôné un jeu offensif basé sur du pressing mais face aux déconvenues de certains matchs à l’extérieur, il a su changer de philosophie : « C’est un coach qui arrive à manier cette exigence de rigueur, de discipline tout en gardant de la proximité avec les joueurs. Mais attention Niko est quelqu’un de très exigeant, même si c’est quelqu’un de juste, de l’avis des joueurs, envers l’ensemble de son groupe. Après la lourde défaite contre l’OL, il les a recadrés, mais de manière constructive tout en admettant devant eux qu’il avait eu sa part de responsabilité. Et quand ça gagne comme face à Nice et Bordeaux, Niko salue la performance, mais cela ne dure jamais très longtemps. Il pousse toujours ses hommes à faire plus, à travailler, à se remettre en question. Depuis son arrivée, les joueurs sont réceptifs à ce type de discours et à sa méthode » confiait un dirigeant du club récemment (source RMC Sport, 15/11/2020).

Certains joueurs confirment les relations saines avec Kovac comme A.Disasi récemment : “Le travail avec le coach se passe bien, il est là depuis un petit moment maintenant et on voit que les automatismes se créent petit à petit.” D’autant plus que le technicien n’a pas fait de cadeaux à certains joueurs cadres comme Henry (“disparu” depuis la 5ème journée de Ligue 1…) Fabregas, Ben Yedder ou Jovetic, relégués parfois pour certains sur le banc malgré leur expérience et leur statut. Mais les joueurs semblent pour l’instant avoir accepté la rigueur et la discipline instaurée par Kovac.

L’intensité des entraînements (intensité que certains joueurs parmi les plus expérimentés n’avaient plus connu depuis longtemps !) , le suivi de règles au quotidien très strictes, et des coups de gueule sont la marque de fabrique du Croate. Mais à cette rigueur et à une froideur apparente, s’ajoutent une capacité d’adaptation, une faculté à reconnaître ses erreurs, de la diplomatie, et une relative proximité avec les joueurs avec lesquels il peut se montrer affectueux dans la la limite du raisonnable. (Source l’Equipe 23/12/2020).

En résumé, les prochaines échéances montreront si la tendance peut s’améliorer pour le technicien croate et l’ASM. L’espoir reste entier au vu du chemin parcouru quelque peu plus réjouissant qu’il y a une dizaine de mois. Le mercato hivernal viendra peut être affiner la qualité d’un effectif qui peut être amélioré. Les doutes demeurent cependant sur la capacité de l’ASM a vaincre plus régulièrement (à l’extérieur surtout) et à retrouver le quinté de tête de manière plus certaine à terme.

Sources : asmonaco.com ; LFP, Transfermarkt, RMC Sport / Crédit Photo : P.Della Zuana Icon Sport