Adieu Jeannot

Adieu Jeannot

28 janvier 2024 20 Par Geoffroy B

Etoile parmi les étoiles de la constellation monégasque, une des légendes si ce n’est la plus grande légende de l’ASM s’est éteinte. Même si c’est dans l’ordre des choses, ça nous fait quelque chose. Repose en paix Jeannot.

Rose et violet avant le Rouge & Blanc

On a tendance à l’oublier mais Jean Petit a démarré sa carrière à Toulouse. Alors que le TFC n’existait pas encore en tant que tel, le milieu de terrain fait ses gammes au Toulouse Football Club, club qui a “disparu” en 1967 alors que le Red Star FC l’absorbait. Orphelin de son club formateur, il s’en va à Bagnères-de-Luchon durant deux saisons et, ce qui devait arriver arriva : il tapa dans l’œil d’un scout asémiste.

Malgré cette parenthèse toulousaine, l’histoire est trop belle pour ne pas la raconter. C’est dès l’âge de 13 ans qu’il tombe amoureux de l’écurie princière. Le 14 avril 1963 donc, il regarde un certain Toulouse-Monaco et l’ASM étrille le club local 5-0 avec un triplé de Lucien Cossou. Cette saison n’est pas n’importe laquelle : les Rouge & Blanc remportent le doublé Coupe/Championnat. Une année historique et “idéale” pour commencer une idylle (Pour les nostalgiques voici la composition de la victoire finale en Coupe de France : Hernandez, Thomas, Artelesa, Casolari, Biancheri, Théo, Douis, Hidalgo (c), Cossou, Carlier, Djibrill).

Damien Comolli, justement président du TFC actuel, évoque une anecdote lors de son passage sur le Rocher : « J’ai eu le plaisir de connaître Jeannot lors de mon passage en tant qu’éducateur à Monaco, il était alors adjoint d’Arsène Wenger. Je me souviens de cette habitude qu’il avait, d’amener le staff monégasque déguster un cassoulet la veille des matchs, fier de ses origines toulousaines. J’admirais toute la passion qu’il avait pour le football et pour Monaco, son club de cœur. »

En 1969, le jeune toulousain débarque en Principauté pour ne jamais vraiment en partir malgré des débuts compliqués.

« A mon arrivée en 1969, je ne me doutais absolument pas que je commençais une seconde vie à Monaco, après mes dix-neuf années passées à Toulouse. J’avais signé dans un club de D1 et, à cause des barrages, j’ai débarqué dans un club de D2. J’avais encore six mois de service militaire à accomplir, il me fallait découvrir une nouvelle mentalité, vaincre des préjugés et apprendre à connaître un entraîneur intransigeant, Monsieur Domergue, qui m’a fait trimer comme jamais parce qu’il me reprochait de ne pas marquer assez de buts. En plus, mis à part Forchério et Casolari, les gars du coin, les autres joueurs me snobaient, évitaient de me donner la balle, comme si j’allais leur enlever le pain de la bouche. Une saison difficile qui m’a trempé le caractère. »

Carrière professionnelle en tant que joueur : Monaco et puis c’est tout

Pas marqué assez de buts ? Robert Domergue a peut-être hanté notre capitaine pour toujours. Malgré les armes de destruction massive de son époque, avec Delio Onnis et Christian Dalger notamment, le natif de Toulouse a inscrit la bagatelle de 78 buts toute compétition confondue, plus que Victor Ikpeba, Sonny Anderson ou Shabani Nonda !

Meilleurs buteurs de l’histoire de l’ASM

  • 1-Delio Onnis
  • 2- Lucien Cossou
  • 3-Wissam Ben Yedder
  • 4-Christian Dalger
  • 5-Radamel Falcao
  • 6-Jean Petit

Au-delà du palmarès, c’est sa fidélité et donc sa longévité au club qui sera difficile de déloger du podium dans cet autre classement. Ce trio de tête n’a d’ailleurs connu que l’AS Monaco en club professionnel.

Matchs disputés avec l’ASM

  • 1-Jean-Luc Ettori : 755 matchs
  • 2-Claude Puel : 600 matchs
  • 3-Jean Petit : 426 matchs

Alors qu’il a vécu le plus grand exploit de l’AS Monaco, en tant que supporter, le doublé Coupe/Championnat, il va vivre en tant que joueur un authentique exploit : un promu va devenir champion ! Et devinez quoi, ces deux équipes héroïques sont entraînés par un seul et même homme : Lucien Leduc.

De cette saison féerique, Delio Onnis avait tout prévu : « Les gars, j’ai rêvé que nous étions champions et que nous avions gagné les cinq premiers matchs de la saison… » A titre personnel, pour Jean Petit, c’est LA saison. Joueur de l’année 1978 (décerné par France Football), il est logiquement sélectionné par … Michel Hidalgo pour la Coupe du Monde avec l’Equipe de France (12 sélections – 1 but).

« Une saison de rêve. Nous avons eu de la chance, très peu de blessés et l’approche psychologique de Monsieur Leduc, qui nous donnait l’impression de nous faire participer à ses décisions et qui nous incitait à jouer au-dessus de nos possibilités. Il est vrai qu’il disposait d’une grande équipe avec notamment Christian Dalger, aussi fort que Platini à mon avis, et Delio Onnis. Ces deux-là, de même que George Weah, je les classe à peine au-dessous de Glenn Hoddle, parmi tous les joueurs que j’ai connus sous le maillot asémiste. En outre, cette année-là, j’ai moi-même été élu meilleur joueur français et sélectionné en Equipe de France. La totale. Dommage que l’ASM, qui avait plus ou moins toujours fais l’ascenseur depuis mon arrivée, n’avait pas été au top niveau plus tôt. »

Cette saison bénie n’est pas la dernier trophée de cette période faste, loin de là. Une Coupe de France en 1980, un titre de Champion de France en 1982, Jean Petit peut partir avec le sentiment du devoir accompli, c’est peu de le dire.

Joueur et ensuite ?

A l’image de Claude Puel, Jean-Luc Ettori ou Delio Onnis, Jean Petit poursuit son aventure monégasque avec une nouvelle casquette. Mais, contrairement au trois susnommés, il va connaître une saison encore plus longue en tant que dirigeant Rouge & Blanc.

« En 81, j’avais eu trois claquages consécutifs au même endroit avant d’être opéré. J’avais inscrit un but de la tête contre Sochaux en début de saison. Ce devait être le dernier de ma carrière. »

Notre capitaine a occupé tous les postes possibles et imaginables au sein du board asémiste : scout pour l’Academy, recruteur pour l’équipe fanion, membre du staff technique, analyste vidéo, adjoint, entraîneur principal intérimaire (invaincu !) et conseiller du président. Ainsi, il n’hésitait pas à dépanner plus globalement son club de cœur. Un joueur de la réserve, dans les années 90, se souvient : « Jean Petit avait le maillot rouge et blanc collé au cœur, lui qui aura connu plusieurs postes. Il était toujours disponible. Comme ce week-end de 1991 où il remplaça Pierre Tournier, parti avec le centre de formation faire un tournoi au Japon, sur le banc de l’équipe de 3ème division en apportant son expérience, sa gentillesse à ce groupe rajeuni. »

Alors que sa retraite correspond plus ou mois à l’arrivée de notre nouvel actionnaire – sa dernière pige étant avec Claudio Ranieri – il fut l’adjoint de très nombreux entraîneurs dont, entre autres, Jean Tigana, Claude Puel, Didier Deschamps, Ricardo mais aussi Marco Simone.

Sur le site officiel, Rolland Courbis résume bien son ancien coéquipier : « Le terme gentil est une évidence pour qualifier Jeannot. C’était difficile pour ne pas dire impossible de se disputer avec lui ! Il est le symbole même de la fidélité, il est arrivé à Monaco et a tout connu là-bas : les hauts, les bas, la descente en deuxième division, la remontée puis les titres… Et il est toujours resté là ! Il était un exemple, il a dédié sa vie à son club. Je me rappelle que le Président Jean-Louis Campora avait préféré ne pas le faire passer entraîneur numéro 1, au risque de devoir s’en séparer si ça n’allait pas, alors qu’il voulait le garder à vie avec lui. Ça m’avait marqué. »

Répondant volontiers aux sollicitations du club lors des dates anniversaires, pour de très nombreux chanceux, il restait très accessible notamment dans son jardin, le stade Louis-II, et plus précisément dans les tribunes où il était aisé de discuter avec lui un peu, beaucoup, passionnément. La boucle est bouclée, il finit par là où tout a commencé, à la place d’un authentique supporter du maillot à la diagonale.

Adieu Jeannot.

Propos de Jean Petit issus de L’encyclopédie de l’AS Monaco FC